Les DAOs en pratique

Source : https://www.youtube.com/watch?v=tg0UmGogMQg

Les DAOs en pratique

Quels sont les avantages & inconvénients de mettre en place une DAO ?

Marc Zeller (3:00)

Les inconvénients :

  • Pas de contrat de travail traditionnel
  • L'employeur n'est pas une entité légale reconnue
  • Possibilité d'être "viré" à tout moment via un vote de gouvernance

Les avantages :

  • Résilience : pas de bouton "off", les règles sont fixes et sont les mêmes pour tout le monde
  • Transparence : les budgets sont publics et auditables
  • Système décentralisé, sans permission

Pierre Person (5:00)

Les avantages :

  • Les DAO permettent de décentraliser la gouvernance d'une entité, en donnant plus de transparence aux décisions, budgets, etc.
  • Elles permettent une gouvernance plus "démocratique" en donnant une voix à chacun.

Les inconvénients :

  • Les modes de gouvernance sont encore expérimentaux et pas toujours efficients.
  • Le cadre juridique des DAO est encore flou et à définir, notamment sur leur capacité à faire valoir en justice, contracter, etc.

Les DAOs sont plus une modalité de gouvernance décentralisée qu'une entité juridique en tant que telle.

Chaque DAO est unique dans son fonctionnement, ses règles, son but. Il faut analyser chaque DAO individuellement. Le droit doit encore s'adapter pour définir le cadre juridique adapté aux spécificités des DAO.

Jérôme Labrousse (7:10)

Les avantages :

  • Transparence
  • Prise de décision collective
  • La société centralise le pouvoir, à l'opposé de l'esprit décentralisé d'une DAO.

Cependant, il n'y a pas de vide juridique. On peut toujours s'appuyer sur des principes existants comme les sociétés de fait, même si elles sont moins décentralisées.

L'enjeu est d'identifier juridiquement la DAO pour lui appliquer un cadre existant.

Allison Benichou Corchia (10:00)

Les avantages :

  • Organisation de personnes oeuvrant vers un objectif commun
  • Aspect décentralisé : ouverture à tous sans contrainte géographique
  • Autonomie : la DAO est auto-suffisante

Les inconvénients :

  • Absence totale de cadre juridique et de règles préétablies pour les DAO.

Le principal défi est de structurer juridiquement les DAO en partant des principes juridiques existants.

Défis et rémunérations des DAOs

Allison Benichou Corchia (11:10)

Les DAO sont intéressantes car elles apportent de la désintermédiation et de la transparence. Cependant, une décentralisation totale n'est pas souhaitable ou même possible, d'où la nécessité d'un cadre juridique.

Il existe 3 types de structuration possibles pour une DAO actuellement :

  1. DAO seule sans personnalité morale : ne peut pas contracter ou rémunérer
  2. DAO + entité juridique commerciale : peut contracter et rémunérer en cryptomonnaies
  3. DAO + association ou fondation : peut aussi contracter et rémunérer

Pour rémunérer les membres d'une DAO, il faut résoudre des défis juridiques et définir les responsabilités liées à cette rémunération.

Marc Zeller (14:00)

Pour qu'une DAO soit vraiment décentralisée :

  • Les smart contracts doivent être sur la blockchain et incensurables
  • La DAO ne doit pas avoir de société/association à côté, et ne peut pas avoir de numéro de TVA, de contrats, etc...
  • L'activité économique doit se faire intégralement sur la blockchain

Les individus et sociétés travaillant pour une DAO décentralisée ont un statut de prestataires de services.

La décentralisation réside dans la gouvernance: les détenteurs de tokens de gouvernance peuvent prendre des décisions, mais ne sont pas des "patrons".

Il existe différents niveaux de décentralisation, d'autonomie et d'organisation dans les DAO en fonction de la structure juridique adoptée. Toutes sont valables mais fondamentalement différentes.

Pierre Person (18:00)

Il n'y a pas un seul modèle de DAO, il existe différentes structures juridiques et modes d'organisation selon le pays et l'activité.

Problème : Il n'y a pas encore de modèle clair de gouvernance décentralisée, c'est en expérimentation.

Une DAO avec une entité centralisée peut créer des frictions si cette entité impose des contraintes à la DAO.

La gouvernance est un élément clé qui définit le caractère décentralisé d'une DAO. Certaines DAO sont centralisées dans les faits malgré leur branding.

Pour décentraliser une DAO, on peut créer des entités externes avec des fonctions spécifiques (LAB, trust, etc).

L'enjeu est d'adapter la structure juridique au cas par cas selon l'activité, le pays, l'objectif de décentralisation visé. La solution unique n'existe pas

Jérôme Labrousse (21:00)

Les DAO vont utiliser différentes structures selon les pays, mais les DAO devront s'acquitter des obligations fiscales des pays où elles opèrent :

  • Même si la structure d'une DAO est complexe, le droit fiscal saura l'appréhender et prélever l'impôt dû (société créée de fait, trust, etc).
  • L'embauche de salariés entraîne des charges sociales qui sont une forme d'impôt.
  • Le droit fiscal s'applique même à des activités illégales

Il existe de multiples formes juridiques pour les DAO (non-profit, trust, SAS, SARL, etc.) mais aucune n'attire vraiment les DAO pour le moment.

Comment la politique voit la décentralisation ?

Pierre Person (24:00)

Les politiques sont très loin du sujet des DAO et ne connaissent pas bien ce concept.

Les DAO permettent une nouvelle forme d'organisation qui pourrait apporter plus d'efficience et de démocratie mais pour l'instant, l'intérêt économique des DAO par rapport aux organisations traditionnelles n'est pas encore prouvé.

Les institutions politiques gagneraient à s'intéresser aux DAO pour potentiellement y trouver des pistes d'amélioration en termes d'efficacité et de démocratie.

Cela dit, il y a encore beaucoup de fantasmes sur leur fonctionnement concret.

Marc Zeller (28:30)

Il ne faut pas confondre DAO et société/association existante. Une DAO qui est en fait une société classique doit être considérée comme telle.

Si la DAO distribue des revenus à ses membres, elle s'apparente à une société anonyme et il faut l'assumer.

Au bout du compte, ce sera le régulateur qui va requalifier les DAO selon des structures existantes (sociétés, associations) et appliquer la réglementation adaptée.

Les DAO vraiment innovantes qui ne rentrent pas dans des cases existantes méritent un statut spécifique. Mais cela n'a pas encore de sens car elles sont trop petites économiquement et trop peu nombreuses.

Seules deux DAO (MakerDAO et Aave) ont atteint une maturité suffisante, mais leurs revenus sont encore trop faibles pour intéresser les régulateurs. Il faudrait une ou plusieurs dizaines de DAOs de cette taille pour que les régulateurs s'y intéressent.

Jérôme Labrousse (32:00)

Il existe une volonté politique de transparence sur les flux financiers (exemple: directive DAC8 sur la transparence des plateformes crypto). Cette tendance initiée après la crise de 2008 est difficile à contrer.

La régulation n'est pas forcément négative et peut offrir des avantages, comme des crédits d'impôts ou des aides au développement d'entreprise.

Même si la régulation complexifie les obligations de reporting et fiscales, elle peut permettre d'accompagner et développer une industrie naissante.

Il ne faut donc pas voir la régulation seulement comme une contrainte mais aussi comme un processus politique potentiellement bénéfique à long terme pour les acteurs de l'écosystème.

F.A.Q

Est-ce qu'il est déjà arrivé qu'il y ait un conflit d'intérêts entre la Core Team (équipe de développement) qui gère la DAO et les utilisateurs/détenteurs de tokens, par exemple si la Core Team est au courant d'informations que les utilisateurs n'ont pas ? (34:45)

Réponse de Marc : Non, aujourd'hui dans la DAO d'Aave par exemple, l'équipe originelle de développeurs n'est plus directement impliquée ou rémunérée par la DAO.

Les détenteurs de tokens peuvent refuser les propositions faites par l'équipe originelle via le système de vote sur les "Aave Improvement Proposals (AIP)". Il est même souhaitable que les détenteurs de tokens puissent contrebalancer le pouvoir de l'équipe originelle.

Est-ce que vous avez confiance dans la capacité des registres distribués et des réseaux distribués à pouvoir intégrer nativement des règles juridiques et être en bonne entente avec les institutions actuelles, plutôt que d'être en opposition ou réaction ? (37:30)

Réponse de Jérôme : Il n'y a pas de vide juridique, il existe déjà un cadre légal qui permet l'existence des DAOs et qui va continuer à évoluer.

Réponse de Allison : Les avocats doivent s'adapter en permanence aux nouvelles technologies comme la blockchain pour créer de nouvelles règles juridiques.

Réponse de Pierre : Il est possible de transposer de nombreux textes normatifs et contrats sur la blockchain via des smart contracts, mais on n'a pas encore atteint le degré de maturité nécessaire.

Comment facturez-vous juridiquement une DAO d'un point de vue structure légale ? (42:00)

Réponse de Marc :

  • Une DAO n'a pas de numéro de SIRET ou de TVA actuellement.
  • Une solution conservatrice consiste à facturer la DAO comme un groupement de personnes, en payant la TVA sans pouvoir la récupérer (ce qui est financièrement désavantageux).
  • L'idéal serait que les DAOs soient reconnues comme des personnes morales, avec un numéro SIRET, pour pouvoir facturer normalement.

Réponse de Jérôme : Le traitement fiscal va dépendre de la structure juridique de la DAO concernée.

Quelle est selon vous la plus grande idée reçue sur les DAOs ? (45:15)

Réponse de Pierre : Que les DAOs sont décentralisées (autrement dit, elles ne le sont pas dans la majorité des cas)

Réponse de Marc : Que l'on ne peut pas attendre des DAOs très jeunes le même niveau de décentralisation et de maturité que des structures beaucoup plus anciennes. Il faut du temps pour atteindre un haut degré de décentralisation.